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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 11:03

 

(Norbert nous a contactés pour nous faire part de son aventure sur un simulateur semi-pro de Boeing 747-400 installé à Abu Dhabi. Nous vous livrons ici son témoignage...)

 

 

Les hasards d'une fin de carrière assez mouvementée m'ont emmenés à Riyad (Arabie Saoudite) en 2008. La vie n'est pas très drôle, mais la rémunération est supérieure aux conditions normales d'expatriation. Pas d'alcool, pas de cinéma, musique interdite, fermeture de tous les magasins à chaque prière, obligation de respecter le jeune du Ramadan ; ma femme doit sortir couverte d'un long manteau (abaya) et porter le voile dans tous les espaces publics, et c'est le dernier pays avec l'Afghanistan où les femmes n'ont pas le droit de conduire... Situation cocasse pour cette femme pilote d'Air France qui atterrit a Riyad King Khaled International airport, mais a interdiction de conduire une voiture en sortant de l'aéroport.

Nous abordons maintenant la saison chaude ( avril / octobre, entre 38 et 50 degrés le jour, 30 à 40 la nuit, ce qui empêche toute activité continue en extérieur).

Et malgré tout (c'est le syndrome de Stockholm pour nos amis restés en France), on y trouve une certaine douceur de vivre, un travail quotidien avec plus de 20 nationalités, une communauté française très soudée, des sorties en 4x4 dans les dunes, des soirées entre amis, etc.

Une autre partie de ma famille travaille à Abu Dhabi , et c'est ainsi que j'ai découvert il y a un an l'existence d'un simulateur de vol ouvert au grand public. Ce simulateur est situé à al Forsan Sport Club, à environ 10 minutes de l'aéroport ; le centre de loisirs comprend de multiples activités, dont une piste de karting et ce simulateur de Boeing 747-400 chez Mutahida simulation.

Ce 29 Mars 2013, j'y retrouve mon instructeur Anas, avec lequel j'ai déjà volé en octobre 2012.

A l'époque, j'avais seulement révisé sur le Boeing 747 de base de FS X, et n'avais pas pu profiter de toutes les caractéristiques du simulateur. Je m'y suis donc mieux préparé depuis, à raison de 2 vols par semaine. Il faut dire que la vie à Riyad n'est pas très amusante et laisse du temps libre pour lire toutes les documentations !

 

Préparation minutieuse

 

Je me suis donc bien préparé :

- achat de l’extension PMDG 747-400 lors d'un passage a Paris ;

- chargement de toutes les documentations disponibles ; les détails du manuel du FMC, après une journée de travail, me semblent un somnifère très puissant.....

- visionnage répété sur Youtube de toutes les démonstrations de démarrage cold and dark ;

- chargement sur iPad des applications Aerosim/Checkride (détail du cockpit) ainsi que d’une check-list complète pour le B744.

J'apporte avec moi les cartes des principaux aéroports français, récupérées il y a plus de 10 ans sur le logiciel pour FS 98 : Europe 2 qui était dédié à la France, avec ajout à la main des VOR, comme AZR 109.65 au sud de la piste à Nice; et bien sûr CDG qui a maintenant 4 pistes...

J'ai donc prévu, pour les deux heures réservées (obligatoire) par Internet, un vol en deux parties : d’abord une liaison Ajaccio-Nice, avec départ "cold and dark " ; puis départ immédiat de Nice vers Bayonne.

Malgré toutes les heures d'entraînement, et mon précédent passage en octobre 2012, l'entrée dans ce cockpit est toujours un petit choc : savoir bien s'installer, le yoke entre les cuisses, en ne voyant presque rien de la piste (plus exactement du terminal d'Ajaccio avant pushback), ajuster la ceinture, essayer les palonniers, disposer les carte, préparer l'appareil de photo et le magnétophone…

1- embarquement ajaccio

 

Le cockpit du simulateur est sombre, je pense qu'il est rigoureusement identique à un vrai, mais il n'y a pas de hublot qui nous sépare de l’écran circulaire d'environ 4 mètres de diamètre. Mon instructeur Anas a, sur ses genoux, côté co-pilote (first officer) un clavier sans fil pour commander les paramètres divers de la simulation.

Je retrouve le stress de mes concours en 1971 : aurai-je le brevet de pilote virtuel de 747-400 ? Je veux montrer à Anas les progrès réalisés !

Mon instructeur a déjà chargé le fuel à 1/3 du total, soit environ 94,000 livres. Pendant que je m'installe, il introduit le plan de vol que je lui ai apporté dans le FMC (en moins de 2 minutes) : vol direct à 15 000 pieds, pas de limitation de poussée, entrée des données GPS. Le FMC calcule aussitôt le cap, V1, Vr et V2. Le trim est calculé a +2 ou +3. A ma demande, nous éteignons tout, et commençons les différentes check-lists: je lis, et Anas exécute et me montre les manipulations si nécessaire (l’EICAS est consulté systématiquement, pour confirmer les données et les résultats).

Anas, que je connais depuis octobre dernier, a programmé ce simulateur, il en connaît toutes les limites. Il trouve même des erreurs de logique dans la check-list que je lui montre. Un vrai instructeur autant qu'un pilote ! Bien sûr nous communiquons en anglais après quelques mots de courtoisie /bienvenue en arabe.

Donc, demande de pushback, puis check-list démarrage manuel des moteurs. Le Boeing a de nombreuses caractéristiques qu'il faut ingurgiter pour vraiment en profiter, les 4 moteurs ont chacun des fonctions annexes spécifiques. Je vérifie le terminal par le hublot gauche , le visuel est époustouflant :les véhicules circulent entre les bâtiments et la piste, et je retrouve mes souvenirs lointains de vacances en Corse.

 

Au départ

 

Apres le pushback, nous voici partis vers l'entrée de la piste 20. La commande de la roue avant m'est enfin familière (la fameuse poignée en bas à gauche qui n'apparaît que rarement en simulation) , je pousse les moteurs à environ 51 de n1 et le Boeing avance à 15-25 noeuds. Je m'aligne sur la piste 02, frein avec les deux palonniers ( et pas le bouton rouge comme sur mon yoke à la maison !).

En octobre dernier, j'avais décollé d'Ajaccio face à la mer ; en fait, en utilisant le FMC et en révisant les cartes SID, on peut décoller sur la piste 02, avec la montagne en face... Le stress total (combien de fois ai-je déjà planté mon 747 à la maison pour erreur de paramétrage de trim ou poids excessif?).

 

2- illustration

Appareil aligné sur la piste, nous revérifions les paramètres de la montée : v2+20, montée à environ 2 500 ft/min, virage à gauche cap 270, les flaps sont à 20. Quelques questions techniques sont échangées : en cas de désaccord, quel FMC prend la main? Faut-il enclencher LNAV tout de suite ou après décollage ?

Anas me passe les commandes, on monte les gaz à n1 =70, on libère les freins et tout s'enchaîne vite, 80 kt, V1, Vr, V2, vitesse verticale positive, remontée du train, le pilote automatique s'enclenche comme prévu...... mais seulement en mode Heading / Speed / Altitude avec les valeurs que nous venons de programmer. Et alors, je me demande pendant 20 secondes comment je vais éviter cette fois-ci la montagne! Le Boeing ne veut pas tourner et je ne sais pas pourquoi...

Anas me sauve la situation en enclenchant LNAV, et par magie, tout revient normal. Je lui montre Ajaccio, le cap Corse… Tout semble normal pendant 20 minutes, mais en essayant de capter le VOR de Nice sur 112.4 sur le bloc radio, je dérègle le FMC (fréquences active/stand by) et Anas ne s'en rend pas compte. Néanmoins l'approche de Nice se fait bien, par la procédure STAR qui évite Antibes. Les îles de St Honorat et Ste Marguerite invitent à la sieste.

3-Ste marguerite et St Honorat

la piste 05R de Nice se rapproche (je ne sais pas pourquoi, c'est toujours elle que je sélectionne, jamais la 05L), mais au moment d atterrir (nous sommes en PA sans VNAV ni LVAV ni ILS) , le Boeing n'obéit plus... En fait il s'aligne vers le VOR que j'ai entré comme actif, le 112.4 que j'utilise toujours pour ma navigation sans FMC; nous décidons "missed approach procedure" et pour me faire pardonner je lui propose de partir sur Paris au lieu de Bayonne.

4-heu, tu crois quon est bien aligne

Tant pis, je ne lui montrerai pas où j'habite en vacances. Juste le temps de voir le Var sur ma gauche; et nous montons vers Digne.Le système accepte la vitesse accélérée 8 fois quand nous sommes à 30 000 pieds. J'admire le lac de Serre-Ponçon, les Alpes, la Bourgogne sont passées en 10 minutes, « top of descent », on oblique vers St Quentin en Yvelines (mais pas le temps de retrouver mon ancien bureau), puis le port de Gennevilliers, on passe à l’ouest de La Défense, direction Le Bourget. Au début de « top of descent », on gère la descente de façon très simple, le FMC calcule à tout moment la vitesse verticale, le prochain waypoint à atteindre, etc. Je me retrouve ainsi face à la 08L de Roissy.

Tout se passe bien, je n'ai plus fait de manipulation hasardeuse, la carte nous montre ce qui nous intéresse : approche en ILS categorie 3 (penser à mettre en marche les 3 ILS pour celà!), déconnexion, et je récupère les commandes pour l'arrondi final, air brake, poussée inversée.

5-une carte familiere

6-cdg devant nous

Ca y est , j'ai "vraiment" posé le 747 à CDG ( sur FS, c'est beaucoup plus simple.....) ; nous allons au terminal F; procédure arrêt des moteurs, ouverture des portes, mais on oublie d'aller saluer nos passagers très virtuels....

Ca y est, j'ai vraiment posé dans un vrai cockpit, "mon" 747. Jouissance totale incroyable ! Je l'ai vraiment posé!

 

Impressions

 

Ca fait 20 ans que je vole sur Flight Sim, le premier logiciel était FS 5.0 sur une seule disquette compressée, et je crois que j’ai acheté toutes les versions depuis : FS 98, 2000, 2002, 2004 et enfin FS X. J’avais même acheté une deuxième fois FS 98, tellement le premier était rayé et plantait !

Mais quand on entre dans ce vrai cockpit, tous les a priori basculent :

- le palonnier ne se commande pas comme prévu, ne contrôle pas la roue avant, et surtout le mode de freinage par palonnier est très curieux ; la roue avant se commande par une poignée latérale a un endroit très inattendu et n est pas facile à assimiler – ni à atteindre ;

- le frein ressemble à une petite cuiller, ou un mini disjoncteur, mais certainement pas à un frein ;

- les manettes des flaps, des moteurs et des reverses sont assez durs a manoeuvrer, pas du tout évidents ;

- je découvre que le speed brake est progressif (et non pas tout ou rien), que le feu « beacon » est en fait double ;

- je découvre la gestion de la pression cabine ;

- la commande TO/GA n est pas la où on l'attend ;

- le yoke fait très vieillot par rapport au joystick de l'Airbus que je connais.

Mais surtout, à ma grande surprise, et malgré des dizaines d entraînements réussis sur pc, je perds les réflexes de certaines commandes en situation "réelle". Une autre découverte est la logique du freinage aérodynamique : il faut mettre un cran de flaps, puis réduire la vitesse comme calculé par le PFD en conséquence, et non l'inverse comme j ai toujours fait.

7-détail

8-détail du panneau éléctrique

La documentation de PMDG n'était pas assez claire à mon avis sur les conflits entre FMC, les conflits des pilotes automatiques, le besoin de simuler les 3 ILS pour atterrir en catégorie 3.

Le son dans ce simulateur grandeur nature est à mon avis bien reconstitué (le démarrage APU par exemple), et il y a 5 pc pour faire tourner l’ensemble.

Au jeu des 7erreurs, j'ai trouvé :

- évidemment on est en matériel de loisir, donc pas de vérins/mouvements ;

- pas d'ATC (ou alors non activé) ;

- pas de masque à oxygène ;

- pas de hublot ( ni essuie-glace ni pré-chauffage) ;

- le pack AC est relié au FMC mais non opérationnel ;

- luminosité cabine très faible ;

- fusibles visuellement reconstitués mais inactifs.

La 8e et plus grave erreur est qu'il n'y a pas d'hôtesse pour m'apporter mon plateau :Il est temps d'atterrir !

En revenant sur le vol de Saudia qui me ramène à Riyad, je prépare la suite des actions :

- plastifier les check lists ;

- apprendre par coeur le FMC ;

- relire la gestion du fuel entre les 6 réservoirs ;

- établir une list de pannes à simuler, dont une panne moteur ;

- relire le cours de vol aux instruments chargé sur iPad ;

- connecter mon iPad sur PC, il pourra être connecté sur le simulateur cet été ;

- charger les 2 applications qu’Anas m'a conseillées (Airtrack et Flightradar) ;

- chercher une application ATC anglophone sur iPad à connecter sur son simulateur.

 

Si vous passez à Abu Dhabi, même pour un transit de 6 heures, prenez rendez-vous avec Anas pour son simulateur. Le prix est donné (350 dirhams des UAR, soit 70 euros de l’heure), souvenirs et frissons garantis pour les vrais flight-simmers que nous sommes. Et n’hésitez pas à rendre visite au site officiel : www.mutahida.com

Pour plus de renseignements vous pouvez aussi me contacter !

Norbert Soulie

9-NS dans son cockpit

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